Préface de "l'Europe en fête"
"Que lUnion des Etudiants dEurope célèbre IEurope en fête est en soi un hommage des plus précieux à la mémoire de Jean Monnet qui, il y a 47 ans, en pénétrant dans le salon de lhorloge pour prononcer le fameux discours qui allait lancer lidée européenne, a déclenché un processus dunification entre nations qui na son pareil ni dans le monde, ni dans lHistoire.
A la célébration, vous associez la réjouissance. Mes voeux les plus sincères vous accompagnent, paraphrasant Henri Lefebvre, pour que de la ludicité se dégage la lucidité des participants à cette fête sur les véritables enjeux de lEurope.
Le passage de l'ambiance feutrée du Salon de l'Horloge à cette fête universitaire de Marne-la-Vallée est en soi un symbole du chemin parcouru en moins d'un demi-siècle.
Quelques initiés dans l'après-seconde guerre mondiale ont rêvé et construit l'Europe. Que la jeunesse d'aujourd'hui s'empare de ce rêve et le confronte à ses ambitions et à ses exigences, prouve que l'Europe est en train de se construire à visage découvert, fidèle à l'ambition démocratique de ses fondateurs et adaptée aux nécessités de participation de tous aux grands changements en cours.
L'heure est grave et vous le savez. Jamais autant de chances à la fois se sont offertes à notre continent :
- celle d'accomplir enfin notre union monétaire qui, au-delà de la convergence de nos économies, porte pour chaque citoyenne, pour chaque citoyen, le symbole quotidien de notre communauté,
- celle de préparer notre élargissement et de réconcilier enfin lest et louest dun continent ravagé dans son histoire de conflits entre empires, royaumes et nations,
- celle de conforter notre union politique, ébauchée simplement dans le Traité de Maastricht et déjà prise en flagrant délit d'insuffisance sur les scènes de conflit,
- celle de consolider, simplifier et adapter notre dispositif institutionnel, colonne vertébrale et moteur de notre entreprise commune.
Nous saurons, dans quelques semaines à présent, si nos gouvernements, déroutés par des taux de chômage inacceptables, les mutations du travail et la montée des inégalités, auront su additionner leurs raisonnables audaces et taire leurs frileuses réticences pour remporter avec succès la première épreuve du marathon qui sannonce.
Je perçois, quant à moi, le menu si bien choisi de vos festivités comme un encouragement supplémentaire à répondre à la demande qui sexprime dune Europe de citoyens actifs et engagés: la culture, Iéducation, la société de linformation, la lutte contre le racisme et la xénophobie, Iemploi, sans oublier... Ia gastronomie, sont des composantes essentielles dune Europe qui fonde son progrès sur sa diversité et le respect de ses traditions les plus nobles de respect et douverture à lautre.
Sur ces terrains, à lexception, sans doute, de la gastronomie, vous nêtes pas sans ignorer le rôle moteur qua joué la Commission, à force de propositions au Conseil, de développements dactions pilotes et de programmes déchanges, pour faire progressivement reconnaître lenrichissement qui peut naître dune mise en commun de nos expériences nationales. La Commission aurait-elle réussi à faire reconnaître la légitimité dune action communautaire en matière déducation, sans la demande des étudiants eux-mêmes ? Larticle 126 du Traité de lUnion, nest-il pas né du succès remporté par le premier programme Erasmus ? Plus récemment, la mobilisation et le foisonnement dinitiatives et de réflexions qua suscités lannée européenne de léducation et de la formation tout au long de la vie, confirment que cette action communautaire répond bel et bien à une demande des citoyens. Laction de la Commission ne sarrêtera pas là. Aujourdhui, Edith Cresson semploie à développer les propositions nouvelles, issues du processus de réflexion participatif engagé sur la place de Iéducation et de la formation dans lévolution de la société européenne. Si jai choisi cet exemple qui, je le sais, vous tient à coeur, cest parce que, dans la logique de progrès qui anime la construction européenne, Iéducation a, pour moi, valeur de symbole dune politique née dune demande dEurope par ses citoyens. De la même manière, jaimerais parler aussi du pacte de confiance pour lemploi, de la lutte contre le racisme et la xénophobie, de la société de linformation, de la culture. Dans tous ces domaines, les propositions de la Commission se sont greffées sur des préoccupations fortement exprimées par les milieux concernés. Nous devons, comme dans léducation, accroître le rapport direct avec les citoyens. Cest mon ambition, cest lenjeu le plus significatif auquel les responsables politiques doivent aujourdhui faire face".
Jacques SANTER
Président de la Commission