Conclusions du Sommet de Luxembourg

Plan du texte

retourIntroduction

 L'Union européenne a connu au cours de l'année 1997 d'importants changements politiques. Les élections législatives au Royaume-Uni, en France et en Irlande, la conclusion de la Conférence intergouvernementale à Amsterdam, la présentation de l'Agenda 2000 au Parlement européen et le Sommet européen extraordinaire sur l'Emploi en ont été les éléments les plus saillants.

C'est dans ce contexte de profonde redistribution des cartes que s'est tenu les 12 et 13 décembre 1997 le Conseil européen ordinaire de Luxembourg. Il nous paraît nécessaire de le rappeler pour faire comprendre à quel point la réussite du processus d'élargissement est conditionnée à nos yeux par un nombre élevé d'exigences tant dans le domaine social, institutionnel que politique.
En outre, le processus engagé va se dérouler dans un contexte politique également très dense. Avec l'entrée dans la troisième phase de l'Union Economique et Monétaire et le début des discussions sur la réforme des Fonds de cohésion structures et régionaux, ce sont en effet des oppositions, encore plus résolues qu'elles ne le sont aujourd'hui, qui risquent de se faire jour. L'exigence démocratique sera alors incontournable pour s'assurer que les décisions sont réellement débattues, amendées et finalement acceptées par tous. C'est parce que nous voulons -en tant qu'étudiants et citoyens - rendre cette exigence vivante que nous rendons publics nos commentaires.

Dans notre travail, nous avons souhaité souligner les aspects qui nous semblaient aller dans le bon sens mais aussi mettre en garde contre les décisions dont nous ne partagions pas la philosophie ou la formulation. Les impasses renvoient à des sujets qui n'appelaient pas de commentaires de notre part.

retourI L'élargissement : une étape historique pour l'UE

Avec le début des négociations d'élargissement, on serait tenté de dire que l'Europe renoue enfin avec l'Histoire. Nous soulignions, il y a peu, l'absence de projets d'envergure en Europe. C'est pourquoi l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale ainsi qu'à Chypre et à la Turquie représente un dossier particulièrement intéressant. Nous nous réjouissons de voir l'Union européenne répondre à la demande formulée par les pays de l'Europe du Centre-Est au début des années 90 de rejoindre la grande famille des Etats démocratiques. Cela a pris du temps et nous n'ignorons pas qu'il en faudra encore beaucoup avant que le processus n'arrive à son terme.

retourLe processus d'adhésion et de négociation

Il faut saluer à sa juste valeur le fait que le Conseil européen de Luxembourg ait décidé d'arrêter un premier calendrier pour le lancement du processus d'adhésion. La date du 30 mars 1998 indique que le processus fait partie dorénavant des priorités du Conseil. Nous nous en félicitons. Tout comme nous accueillons avec beaucoup de satisfaction le dispositif d'encadrement des négociations à travers la formule d'un partenariat de pré-adhésion.
Il nous paraît tout à fait opportun de renforcer l'aide pré-adhésion tel que prévu dans les points 17 et 18 des conclusions de la Présidence. En outre, USE se réjouit particulièrement de l'ouverture de certains programmes communautaires relatifs à l'éducation, à la formation et à la recherche aux pays candidats. Notamment nous appuyons de toutes nos forces l'entrée desdits pays dans les programmes Socrates, Leonardo da Vinci et Jeunesse pour l'Europe. Nous rappelons à cette occasion que le montant des budgets alloués à ces programmes mériteraient d'être grandement réévalués.
Il est important que les Etats candidats qui ne sont pas en mesure de participer financièremement dans un premier temps ne soient pas exclus des programmes en question, pas plus que des instances de décision qui y sont rattachées.

retourLes avis de la Commission et les négociations d'adhésion

Nous sommes pleinement d'accord pour saluer le fantastique travail effectué par les services de la Commission dans l'élaboration de la communication Agenda 2000 présentée le 15 juillet dernier au Parlement européen. Les avis constituent effectivement une bonne analyse générale de la situation de chaque Etat candidat au regard des critères de Copenhague. De même, l'Agenda 2000 délimite assez justement les enjeux auxquels l'Union devra rapidement faire face si elle veut mener l'élargissement jusqu'au bout.
Cependant, nous regrettons que ce soit l'approche différenciée qui ait retenu l'attention du Conseil. En effet, nous continuons de penser qu'écarter environ la moitié des pays candidats du processus de négociation est une erreur politique majeure. Cela risque d'encourager les courants nationalistes hostiles à l'Union au détriment des formations politiques modérées.
Cette décision est d'autant plus incompréhensible que le point 26 rappelle que "la décision d'engager les négociations n'impliquent pas que celles-ci aboutiront en même temps". Pourquoi alors, distinguer entre "ins" et "pré-ins" ?

Par ailleurs, nous nous étonnons que le Parlement européen soit écarté de la procédure de suivi. Il nous semblent important que le PE soit pleinement associé au processus. A ce titre, il doit pouvoir examiner tous les rapports rédigés par la Commission pour le Conseil et prendre les décisions qui s'avéreraient nécessaires.

retourLa Turquie et l'élargissement

Les enjeux démographiques et géostratégiques du siècle à venir font obligation à l'Union de maintenir le dialogue avec un Etat tel que la Turquie. Son adhésion est un événement souhaitable dans la mesure où elle renforcerait la dimension multiculturelle et pluriconfessionnel de l'UE. Cependant, elle ne saurait se faire à n'importe quel prix. Les critères de Copenhague doivent être des gardes-fous sérieux pour empêcher l'entrée d'un Etat au comportement autoritaire et/ou antidémocratique.

 

retourII Les conditions nécessaires pour un élargissement réussi

Le processus de prise de décision, d'élaboration et d'adoption des lois et règlements doit être démocratisé, avant tout élargissement. Les modifications qui doivent être adoptées à Amsterdam ne sauraient être limitées à des mesures cosmétiques. Elles doivent être significatives, sans quoi la crise de confiance dans la représentation politique ne peut aller qu'en s'aggravant. Sans cela, I'Europe élargie à 28-30 Etats ne peut que s'enliser progressivement. C'est pourquoi nous réclamons la réalisation de l'union politique européenne avant toute nouvelle adhésion à l'UE.

retourConférence intergouvernementale (CIG), vote à la majorité qualifiée et liste unique

La CIG qui devait être une étape préparatoire essentielle pour faire de l'Union une véritable entité décisionnelle et régulatrice n'a pas su répondre aux attentes des citoyens. A ce titre, la convocation d'une nouvelle CIG avant l'an 2000 serait une erreur. Pourtant, une réforme des institutions est plus que souhaitable.

La démocratisation appelle une simplification du mode d'adoption des directives. Nous ne voulons plus entendre parler de ces compromis obscurs et incompréhensibles que sont les compromis de Luxembourg sur le vote à l'unanimité - ou de lonnina - sur la pondération des minorités de blocage. La vision actuelle de l'Europe est une vision égoïste et chauvine qui croit que la défense des intérêts nationaux particuliers représente la défense des intérêts de l'Europe dans son entier. Cette vision n'est pas la nôtre. Vivre en commun, c'est aussi accepter la possibilité d'être minoritaire un jour sur certaines décisions et d'être majoritaire le lendemain sur d'autres. Pour s'assurer que les élus au Parlement européen défendent bien les intérêts de l'ensemble des citoyens européens et non ceux de leur propre pays, il est urgent d'adopter un mode de scrutin plus simple et plus adéquat. Puisque ces élus doivent représenter l'ensemble des Européens, c'est l'ensemble des citoyens qui doivent les désigner le même jour, suivant le même mode de scrutin en prenant le territoire de l'Union européenne comme unique circonscription électorale. Ainsi les listes proposées à notre suffrage seront elles vraiment européennes, de mêmes que les programmes débattus au cours de la campagne électorale.

Le Parlement européen, en tant que premier organe législatif doit disposer prioritairement de l'initiative des lois. Il ne saurait être question de limiter son action au maigre pouvoir de rejeter un texte ou de donner un avis conforme, une fois la décision finale arrêtée par d'autres. En outre, il doit être maître de son ordre du jour.

retourUne constitution pour l'Union, une Constituante pour la rédiger

Contrairement à ce qui est inscrit dans l'exposé des motifs, la Conférence intergouvernementale n'est qu'un mécanisme de révision des traités parmi d'autres. Il ne s'agit donc pas du seul. Pour notre part, nous aurions préféré soit la transformation du Parlement européen en Assemblée constituante européenne, soit l'élection d'une nouvelle Assemblée dont l'unique mandat aurait été d'effectuer le travail de révision des Traités.
En effet, pour être compris de tous et acceptés par tous, les bouleversements institutionnels, doivent se dérouler dans la plus grande clarté. Le Parlement européen, qui est de toutes les institutions, la seule a avoir été élue au suffrage universel direct, doit pouvoir proposer à tous les citoyens un projet de Constitution pour l'Union. Le projet sera ratifié par un référendum unique. Plus largement, nous sommes d'avis que des modalités spécifiques de désignation des représentant à l'Union soit adoptées pour l'ensemble des scrutins qui ont une portée européenne - ratification des traités internationaux, élections des députés.

retourElargissement, sanction, exclusion

La construction européenne ne doit pas être réservée à un club de nations nanties. Les pays qui, partout en Europe centrale et orientale, ont vécu en 1989 le grand tournant démocratique vivent très mal d'être considérés comme des pays européens de second ordre. C'est pourquoi il est de l'intérêt de l'Union européenne de s'ouvrir le plus largement et le plus rapidement possible aux États démocratiques sans placer l'argument économique comme un obstacle à leur adhésion. En revanche, si l'Europe doit s'élargir, elle ne doit pas davantage devenir l'otage d'un ÉEtat récalcitrant dans l'adoption ou l'application d'une directive. Le Royaume-Uni doit s'exprimer clairement sur son engagement européen. Un système réglementant strictement les conditions d'appartenance à l'Union européenne doit être prévue. A ce titre la clause d'exclusion pour non-respect de ces conditions incluse dans le cadre général est une excellente chose. La situation actuelle, où tous les États peuvent enfreindre en toute impunité les Traités et les décisions de l'Union, n'est plus tolérable. Il en va de la crédibilité politique de l'Europe. Le texte essaie d'y remédier et nous nous en félicitons.

retourConférence européenne

Si l'objet de la conférence européenne est de retarder, une fois de plus, l'adhésion de la Turquie, nous faisons remarquer que ce n'est peut-être pas la meilleure des voies qui a été choisie. L'UE doit ouvertement annoncer si elle désire l'adhésion de ce pays et inversement. La Turquie doit signifier clairement sa volonté de devenir membre à part entière de l'UE et de mettre sa société au diapason des Etats membres de l'UE.

retourIII Pour une Union plus politique

Avec la désignation prochaine des pays participants à l'euro, nous entrons dans la phase finale de la réalisation de l'union monétaire. Pourtant, l'Union Economique et Monétaire (UEM) restera inachevée aussi longtemps qu'il n'y aura pas de contrôle démocratique des politiques monétaire et budgétaire de l'UE. USE s'inquiète de ce que la Commission européenne, sous la surveillance du Parlement, ne dispose pas des moyens d'orienter puissamment les dépenses de l'UE. Nous regrettons que le Sommet européen de Luxembourg n'ait été l'occasion de le faire.

retourTransfert des contributions fiscales vers le PE

Les actions menées dans le cadre de la PESC et de la Justice et des Affaires intérieures réclament de l'argent pour être mises en Ïuvre. Outre, leur inscription dans le pilier communautaire, elles doivent être financées aux moyens de contributions dont il revient au Parlement européen de fixer la quotité, I'assiette et le mode de recouvrement. Compte tenu des réticences des Etats membres a prélevé de nouveaux moyens, ceux-ci ne peuvent résulter que d'un transfert d'impositions déjà existantes. En dépit des problèmes que cela peut poser, le relèvement du plafond des ressources propres de l'UE - au-delà des 1,27 % du PIB actuel - doit faire partie des prochaines priorités. Dans le cas contraire, l'Union continuera de ne pas avoir les moyens dont elle a besoin pour mettre en Ïuvre les politiques que les Etats membres lui assignent de réaliser.

retourUn Marché intérieur incomplet

L'Acte unique européen a été un élément important d'accélération de la construction européenne. Cependant, nous constatons avec regret que bon nombre d'Etats membres n'ont toujours pas transféré l'ensemble des mesures européennes dans leur droit national. Nous appelons de nos yeux une réflexion au niveau le plus élevé possible sur les solutions envisageables pour résoudre ce problème. USE attire également l'attention sur le fait que pour beaucoup d'entre nous, il ne faut pas attendre du Marché unique des résultats extraordinaires. Dans cet ordre d'idée, la cohésion de l'UE ne passe pas uniquement par l'harmonisation des règles marchandes et commerciales. Un marché plus vaste pour les entreprises de l'UE est une bonne chose à condition qu'il ne soit pas l'occasion de licencier davantage sous prétexte de concurrence accrue.

retourUn dialogue social et politique plus intégré

Dans le nouveau cadre institutionnel, tous les regards, toutes les énergies doivent converger vers la recherche des moyens pour guérir notre société des fléaux sociaux que constituent le chômage et la précarisation d'une partie croissante de la population. Il est impossible de bâtir une société stable si l'on arrive pas à régler le problème du lien entre rémunération et activité sociale ou professionnelle. Or, les réflexes de solidarité se sont émoussés et ont laissé la place à une puissante culture individualiste. Il faut renverser la tendance, I'Europe sociale se fera par des gestes au quotidien. C'est pour cette raison que nous nous réjouissons de l'inclusion des dispositions sociales de la Charte annexée au Traité sur l'Union européenne dans le nouveau traité.

Le dialogue social ne doit pas rester le parent pauvre des politiques de l'UE. Bien au contraire, il doit être placé au cÏur des politiques. Pour cela, les discussions entre partenaires sociaux européens - UNICE, CES, CEEP - doivent encouragées et reconnues. Car, lorsque les négociations ont du mal à aboutir à un échelon national, un tour de table de la situation sociale des autres États membres peut se présenter comme un élément de solution pour peu qu'il n'entérine pas un amoindrissement des acquis sociaux. Dans cette optique, il convient d'encourager l'intégration des organisations syndicales et partisanes et de privilégier le dialogue et les négociations contractuelles à un niveau trans- voire supranational. Par ce biais, seront créés les instruments de mesure et d'action dont les partenaires sociaux et les citoyens européens pourront se saisir pour porter directement leurs revendications et aspirations au niveau le plus haut possible.

retourDes décisions transparentes

L'ensemble de ces politiques réclament un contrôle démocratique. Pour cela, nous appuyons les revendications pour plus de transparence dans les travaux des différentes instances européennes. Le Parlement, la Commission mais aussi et surtout le Conseil doivent travailler de façon ouverte et transparente. Dans le cas contraire, le doute sur le bien-fondé des décisions prises sera toujours présent.

retourConclusion

Notre génération est celle qui aura vu disparaître la terrible cicatrice qui défigurait l'Europe. La chute du Mur de Berlin nous permet d'envisager aujourd'hui la construction européenne sous un angle entièrement nouveau. Ainsi, nous sommes amenés à réfléchir à l'échelle du continent et non plus seulement à celle, réductrice, de notre pays.
Cependant, si la mondialisation des échanges et les nouveaux moyens de communication nous ont ouvert et continuent de nous ouvrir des horizons jusque là inespérés, il est facile de constater que la construction de l'Europe est entrée en crise. Dans un monde où tout bouge, les identités sont brouillées et les citoyens sont désorientés.

C'est pourquoi nous avons l'impérieux devoir de dire qu'il n'y a pas de fatalité économique, sociale ou diplomatique. Oui, nous pensons qu'il est possible d'améliorer notre société. Oui, nous croyons que cette amélioration passe par des réformes institutionnelles profondes de l'UE, par un renversement total des priorités économiques et financières de notre société, ainsi que par une ouverture sur le reste du monde.

Car ce que nous voulons pour nous et pour nos concitoyens, c'est la construction d'une Europe politique, démocratique, solidaire, forte et ouverte sur le monde.

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